Cinéma manqué

Dans un article sur la fermeture de Piquemiette, domaine skiable de la station de Métabief, le journaliste relate une réunion tendue entre un fonctionnaire du syndicat mixte et les professionnels du secteur. Ces derniers sont soutenus par la population locale, venue montrer son soutien.

Le cinéma contemporain international n'est pas avare de ces scènes de réunion où des décisionnaires doivent rendre compte d'un projet ou d'un choix fait préalablement devant une population souvent médusée, parfois agacée, jamais consultée et pourtant toujours impliquée. On se souvient notamment d'un plan fixe magistral lors d'une réunion de village dans le film roumain R.M.N. de Mungiu. Mais aussi des réunions de quartier dans le City Hall de Wiseman.
 Marin Grigore et Judith State dans "R.M.N" de Cristian Mungiu (2022). (MOBRA FILMS)City Hall" un film de Frederick Wiseman | Le Club
 
Dans Le mal n'existe pas, dernier joyau du japonais Ryusuke Hamaguchi, des startupers négligeant entament un projet de glamping instagrammable, c'est à dire un projet assez vide pour que chaque individu puisse y voir refléter son néant et l'afficher aux yeux du monde. Le glamping ? Savante contraction de glamour et camping, pour que l'on laisse croire à chaque petit bourgeois en séjour qu'il est un vrai débrouillard, car il en faut du courage pour dormir dans des roulottes toutes neuves avec des lits tout confort. Problème de cette louable entreprise : le lieu choisi pour l'installation est un chemin de passage des animaux de la forêt ; et la fosse sceptique risque de polluer toutes les eaux qui alimentent le village.

Si aucun des habitants du village n'a été consulté, les entrepreneurs ont tout de même l’honnêteté de venir leur présenter le projet, aussi bancal soit-il. Si certains locaux tentent d'y voir plus clair, de comprendre l'intention initiale et les bienfaits de ce tourisme dans leur petit coin, d'autres ont le nez plus fin et s'insurgent presque de voir que des citadins dénaturés souhaitent imposer leur loi. Ceux-là refuseront d'ailleurs catégoriquement tout changement dans leur projet qui nécessiterait un investissement. L'échange est monté avec une finesse particulière, dans une homogénéité qui permet à la conversation de monter crescendo. 
 
Le Mal n'existe pas


La seule conclusion que je puisse tirer de tout cela est la suivante : les journaliste de l'article cité en introduction passent à côté de quelque chose : il y a du cinéma dans ces réunions, mais aucun artiste pour le capter. Ce dont Piquemiette avait besoin, ce n'est pas d'une fermeture définitive, c'est d'une façon de se raconter.

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