Des poissons petits et gros

"Même sédentaires, même casaniers, nous ne sommes jamais que des nomades. Le monde ne nous est que prêté. Il faudrait apprendre à perdre; et l'image du verger, à peine la retenir."

Jaccottet aurait surement apprécié le film, ou disons, le geste, proféré par Éléonore Saintagnan qui cueille chaque habitant du Camping du Lac comme on cueille un fruit juteux et goûtu. Curieuse vie que celle du campeur sédentaire, qui habite dans un mobile-home immobile. Ce qu'ils habitent, c'est lieu où sont posés leurs refuges ; et ils l'habitent à leur façon, en élevant des poules, en pêchant. Mettent-ils leur vie en suspend ? Non, ils se retirent du monde des hommes pour vivre dans une société parallèle, où l'on troc des œufs contre des coupes de cheveux, où l'on fait à manger pour son voisin, où l'on joue de la guitare sur une barque, où l'on retrouve sa fille autour d'une chanson. Et où le poisson est un peu trop gros, nourrit des histoires sordides qui au lieu d'effrayer, attirent les badauds en manque de sensation, qui par l'intérêt qu'ils portent à ces légendes contribuent à les faire disparaître. Et les nomades sédentaires tentant dans un geste vain de sauver la légende. Il leur fallait la perdre et la rendre.

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